Un texte, un mathématicien

Collection Un texte, un mathématicien

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D’Euclide à Bourbaki, la réforme permanente

De Jean Dhombres

En cherchant à obtenir un texte unique et irréprochable les mathématiciens ont constamment réformé les textes plus anciens. Ceci est vrai pour les Eléments d’Euclide, un texte en treize livres datant du IIIe siècle avant notre ère reprenant, mais en les gommant, des choses antérieurement établies, et qui a donné le ton axiomatique et irréel à bien des textes mathématiques ultérieurs, du moins jusqu’au XIXe siècle. Pour les Eléments de mathématique de Nicolas Bourbaki des années 1950, le principe est le même, mais il a fallu plusieurs fois renouveler le texte. La réforme est une attitude permanente des mathématiciens, qui fait donc entrer les “mathématiques modernes” dans la norme traditionnelle. Ceci vaut aussi bien pour les manuels scolaires. La phrase : “il faut reprendre ce qui est déjà connu pour être plus clair” est une forte motivation pour l’écriture d’un texte mathématique. Il y a bien sûr quelque chose de paradoxal dans la volonté de réforme, alors que le texte en vue est pensé comme définitif. Par ailleurs, la réforme se heurte à une non moins naturelle volonté de stabilité des programmes, qui dans la plupart des pays sont définis nationalement par des commissions d’enseignants mathématiciens. Or, et ceci est généralement peu discuté, le choix dans les mathématiques diffusées dépend aussi des valeurs qu’une société attribue à la formation par l’enseignement même des mathématiques : esprit logique, capacité d’imagination et de synthèse, habileté au calcul et capacité d’analyse, préparation à la modélisation, mais peut-être aussi sens de la certitude, objectivité et croit-on, neutralité scientifique,…De sorte qu’il existe des formes de réaction au sein même de la pratique enseignante : on connaît le “à bas Euclide” des “mathématiques modernes” fondées sur les structures, qui a entraîné un retour à la géométrie, suivi d’un abandon presque général de celle-ci au profit d’une conception algorithmique. Mais au XVIIe siècle, la “réforme des mathématiques” est une expression qui ne peut que répondre à la Réforme tout court, celle religieuse du siècle précédent, issue de Luther et de Calvin.

Mon propos n’est pas d’opposer frontalement aux requis plus généraux de valeurs intellectuelles une pratique mathématique que l’on pourrait dire pure. Car celle-ci change nécessairement, les mathématiques étant un domaine en mouvement, et cela va en s’accélérant formidablement au XXIe siècle. Au contraire, je veux montrer par des exemples précis, et à partir de textes qui ont eu une réelle influence, comment les réformes traduisent de vrais changements de conception mathématique en phase avec l’histoire. Libre à nous de les juger a posteriori, mais pas de postuler ces changements comme étant toujours capricieux et aléatoires.

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