Apparaît dans la collection : Bourbaki - Novembre 2024
Ulam a conjecturé en 1961 que la plus longue sous-suite croissante dans une permutation de $\lbrace 1, \dots, n\rbrace$ choisie au hasard uniformément a une longueur de l’ordre de $\sqrt{n}$. On sait aujourd’hui que lorsque n tend vers l’infini, cette longueur fluctue autour de $2\sqrt{n}$ selon la loi de Tracy–Widom, initialement introduite pour décrire les fluctuations de valeurs propres de matrices aléatoires. Que peut-on dire plus précisément de la, ou des, sous-suites de longueur maximale ? Cette suite d’entiers aléatoires, correctement renormalisée, converge vers une courbe fractale particulière. Fort différente d’un mouvement Brownien, elle est définie comme la géodésique associée à un champ de distances aléatoire appelé le paysage dirigé.
Ce champ aléatoire a été introduit récemment par Dauvergne, Ortmann et Virág. Loin de concerner seulement les permutations aléatoires, le paysage dirigé est la limite d’échelle universelle des modèles de la classe de Kardar–Parisi–Zhang, incluant modèles de croissance d’interface, percolation de premier ou dernier passage, systèmes de particules en interaction, et bien d’autres modèles. La construction du paysage dirigé s’appuie sur une étonnante propriété d’isométrie de la correspondance de Robinson–Schensted–Knuth. Après avoir expliqué les motivations physiques, nous verrons pourquoi et comment cette isométrie intervient dans la construction, et nous discuterons de quelques-unes des remarquables propriétés du paysage dirigé.
[D'après Duncan Dauvergne, Janosch Ortmann et Bálint Virág]